En réponse à une demande de M. Abdoulaye Daouda Diallo, Ministre des Finances et du Budget (MFB), une mission du Département des finances publiques (FAD) du FMI a séjourné à Dakar du 22 janvier au 4 février 2020. Elle était conduite par M. Abdoulahi Mfombouot, économiste principal de FAD, et comprenait MM. Jean-François Dagues, conseiller résident de FAD au MFB, Daniel Tommasi, Christophe Maurin, Emmanuel Rousselot et Daouda Kamano, experts de FAD.
La mission avait pour objectifs : (i) d’actualiser la stratégie des réformes en se basant sur les évaluations et les autres missions diagnostics conduites récemment dans le pays ; (ii) d’identifier les objectifs stratégiques et les actions nécessaires à la mise en œuvre des réformes induites par le nouveau cadre juridique de gestion des finances publiques (GFP) et les aligner sur les priorités des autorités ; et (iii) de renforcer la gouvernance des réformes afin de mieux répondre aux exigences d’efficacité qui en conditionnent la réussite.
A son arrivée, la mission a été reçue par M. Abdoulaye Samb, Secrétaire général du MFB. Ce dernier l’a édifiée sur les avancées réalisées en matière de GFP et a précisé les attentes du MFB par rapport à la mission. Celle-ci a par la suite rencontré M. Mor Diouf, Secrétaire exécutif du Projet de coordination des réformes budgétaires et financières (PCRBF) avec qui elle a discuté de la gouvernance des réformes, de l’organisation pratique de la mission et du calendrier de travail.
Pendant son séjour, la mission a eu plusieurs séances de travail avec les responsables de toutes les directions générales du MFB et du MPEC impliquées dans la GFP, ainsi qu’avec le DAGE du ministère chargé de l’énergie. Elle a également rencontré la Commission des finances et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes, l’Inspection générale de l’Etat et le Bureau Organisation et Méthodes (BOM).
La mission a eu une séance de travail avec Mesdames Corine Delechat et Cemile Sancak, respectivement Cheffe de mission et Représentante résidente du FMI pour le Sénégal, dont elle a bénéficié des précieuses orientations.
Au terme de son séjour, la mission a tenu, avec les responsables de toutes les structures visitées, des ateliers techniques de restitution sur les six axes de la stratégie.
Elle a présenté ses principales conclusions au MFB au cours d’une réunion regroupant les membres du Cabinet. Une copie du présent rapport lui a été remis séance tenante.
Elle a également débriefé les partenaires techniques et financiers (PTF) intervenant dans le domaine de la GFP.
La mission tient à exprimer sa gratitude aux autorités pour leur accueil, leur collaboration et leur disponibilité. Elle remercie en particulier M. Mor Diouf, et ses collaborateurs MM. Diafara SEYE et Ismael SANE pour la bonne organisation de la mission, leur disponibilité et diligence.
La mission témoigne sa reconnaissance à Mme Sancak pour ses précieux conseils.
Principales conclusions
A l’aune des réformes économiques structurelles en cours au Sénégal, la quête d’une plus grande performance dans la gestion des finances publiques (GFP) revêt un enjeu stratégique. Le pays met actuellement en œuvre le Plan d’Actions Prioritaire (PAP2) du Plan Sénégal Emergent (PSE) dont les objectifs en matière de GFP sont de (i) renforcer la culture de gestion axée sur les résultats pour une meilleure efficacité des politiques publiques et (ii) faire évoluer le score de la qualité de gestion budgétaire et financière (CPIA) de 3,5 en 2017 à 3,9 en 2023. En vue d’accompagner le PSE, un programme de réformes macroéconomiques et structurelles (2019-2023) soutenu par l’Instrument de coordination des politiques économiques (ICPE) a été conclu avec le FMI. L’ICPE vise notamment à (i) renforcer la stabilité macroéconomique grâce au maintien de la viabilité des finances publiques et une gestion prudente de la dette, et (ii) mettre en place un cadre juridique et institutionnel garant d’une gestion soutenable et transparente des recettes tirées de l’exploitation des hydrocarbures. Ces engagements interviennent dans un contexte de forte mutation budgétaire marqué par la bascule au budget de programme à partir 1er janvier 2020 mais dont la mise en œuvre effective a été différée au 1er avril 2020.
Pour réussir ce pari, les autorités entendent inscrire les réformes des finances publiques dans une nouvelle dynamique. Cela passe par une vision stratégique mieux structurée, des actions de réforme plus lisibles et une gouvernance des réformes inclusive et plus hardie. Aussi, afin de pouvoir objectiver les choix stratégiques, il est important de disposer au départ d’une bonne photographie de la situation du système de GFP. A cet égard, la mission s’est appuyée sur les évaluations1 du système de GFP récemment conduites au Sénégal avec l’appui des partenaires techniques et financiers (PTFs) ainsi que sur les entretiens documentés avec les acteurs des finances publiques au sein et en dehors du Ministère des finances et du budget.
Le système de GFP comporte d’importantes fragilités dont les principales, relevées par les évaluations précitées, sont les suivantes : une stratégie budgétaire encore embryonnaire, absence d’unité et d’unification budgétaires, écarts non analysés et expliqués entre prévisions et réalisations à toutes les étapes du processus budgétaire, une documentation budgétaire à améliorer, des lacunes importantes dans le processus des investissements publics, des failles dans l’encadrement juridique des PPP, une culture des risques budgétaires non encore établie, des faiblesses dans la budgétisation des transferts ainsi que dans la budgétisation et l’exécution des dépenses sur financements extérieurs, une chaine de la dépense affectée par un système de
1 FTE 2018, PIMA 2019, PEFA 2019.
régulation budgétaire opaque et par de nombreux contournements des procédures, une gestion peu active de la trésorerie de l’Etat, un compte unique du trésor non consolidé, une qualité comptable perfectible, des limites importantes dans la reddition et le jugement des comptes publics, une surveillance externe limitée sur les finances publiques de l’Etat, une insuffisante information du public et une promotion timorée de la participation citoyenne.
La stratégie proposée a vocation à apporter des solutions concrètes aux insuffisances précitées et, partant, à inscrire la GFP sénégalaise sur le chemin de la modernité. Elle s’inscrit sur un horizon de six ans (2020-2025) et repose sur un cadre logique inspiré du modèle utilisé par le FMI pour le suivi de l’assistance technique. Ce cadre est structuré en 7 objectifs stratégiques déclinés en résultats attendus et résultats intermédiaires, tous mesurables au moyen d’indicateurs vérifiables. La mise en œuvre opérationnelle de la stratégie repose sur un plan d’action biennal priorisé et séquencé. Concernant la gouvernance des réformes, leur pilotage sera toujours assuré par le Comité national de pilotage, qui sera réaménagé pour prendre en compte la nécessité de renforcer l’organe de coordination2 et d’asseoir une plus grande implication des ministères sectoriels et de la société civile. En tout état de cause, l’adoption de la nouvelle stratégie, ainsi que du cadre institutionnel rénové, devra passer par un double niveau : au niveau technique dans le cadre d’un atelier3 de validation regroupant toutes les parties prenantes y compris les PTFs et les représentants de la société civile, puis au niveau politique4.
La réussite de la stratégie repose sur un certain nombre de facteurs auxquels les autorités devront prêter une attention particulière. Il s’agira, inter alia, de mettre en place les conditions permettant (i) un portage politique actif à travers le Comité national de pilotage de la réforme ; (ii) une coordination des réformes assurée par une instance dédiée dont les membres disposent d’une expertise avérée sur les métiers des finances publiques et sont recrutés par voie d’appel à candidature ; (iii) la formation et la communication sur les réformes afin d’en assurer l’appropriation par tous les acteurs ; (iv) une adhésion totale des PTFs à travers notamment des rapports périodiques réguliers bien documentés et un cadre de dialogue dynamique ; (iv) la participation citoyenne et l’information du public ; et (v) une bonne visibilité sur les financements.
B. Recommandations
Les recommandations de la mission sont de deux ordres : Les dix mesures prioritaires pour réussir la bascule au budget-programmes et à la déconcentration de l’ordonnancement au 1er avril 2020 et les dix mesures prioritaires de la stratégie qui sont présentées dans le tableau 1.